Ressource
2022, 04 Avril . Enseignement supérieur . TIPE . villeLa ville, c’est le sujet du TIPE 2022-2023
TIPE ? Le thème pour l’année 2022-2023 du TIPE commun aux filières BCPST, MP, MPI, PC, PSI, PT, TB, TPC et TSI est intitulé : la ville.
Comme tous les ans, en lien avec sillages.info et l’UPS pour les CGPE, Interstices et Pixees vous proposent des ressources autour des sciences du numérique, informatique et mathématiques.
- les textes ci-dessous pour aider à débroussailler le sujet (coordination Hervé Rivano),
- des ressources,
- un recueil de contenus où puiser des idées,
- et une aide et des conseils, via le bureau d’accueil en ligne.
Sommaire du dossier :
Introduction
La ville intelligente
La ville numérique ou numérisée
Le numérique pour comprendre la ville
La représentation de l’information urbaine
La révolution numérique transforme progressivement tous les aspects de nos sociétés. Et parce que la majorité de la population mondiale vit en zone urbaine, la ville ne fait pas exception.
Cette concentration de population donne à la ville, à l’urbain, un caractère singulier. Un grand nombre d’enjeux s’y croisent de manière complexe. Certains théorisent même que l’anthropocène, cette période où les actions de l’humanité ont une incidence irrémédiable sur l’entièreté de la planète et notamment son climat, est accélérée par l’urbanisation généralisée de la planète. La ville est alors considérée comme un point central d’analyse du réchauffement climatique, du métabolisme des ressources naturelles, des perturbations des écosystèmes, etc. La ville est en tout cas un sujet extrêmement vaste et complexe dans lequel des problématiques de toutes les disciplines scientifiques s’intriquent. Le numérique ne fait pas exception.
Quand on relie ville et numérique, on pense tout de suite à la ville intelligente, à l’enrichissement du système urbain par une infrastructure numérique matérielle (capteurs et actionneurs, réseaux, centres de calculs…) et logicielle (prise de décisions optimisées, prédictions et intelligence artificielle, données ouvertes, etc.). C’est en effet un pan important des contributions du numérique à la ville.
Gouverner la ville en se fondant sur des données est bien loin d’être une nouveauté : les cartographies, les données statistiques de l’INSEE, les enquêtes « ménage – déplacement », les observations du trafic routier, les archives municipales, etc. forment un vaste fonds de données à la disposition des services, des élus et des citoyens pour nourrir leurs réflexions et étayer leurs décisions.
Ce qui change, et renouvelle parfois profondément les modalités de gouvernance, à tort ou à raison d’ailleurs, c’est la nature des données disponibles : nombre, hétérogénéité, fréquence de mise à jour, granularités spatiales, temporelles et sociales, précision, origines. La connaissance de nombreux champs d’intérêt pour la gouvernance urbaine se retrouve détaillée à un niveau jamais atteint. D’autres, qui n’étaient tout simplement pas documentés et donc pas pris en compte dans les politiques publiques, se révèlent et imposent des réflexions inédites. Au point, parfois, de provoquer un sentiment de submersion ou, au contraire, d’omniscience illusoire. Mais ce qui est certain, c’est que le champ des possibles, désirables ou pas, s’élargit considérablement.
Il ne faut par ailleurs pas négliger l’apport du numérique en tant qu’outil de modélisation des phénomènes pour approfondir leur compréhension par le calcul, la simulation, la représentation intelligible.
Et enfin, le numérique est aussi un sujet d’étude à part entière, notamment dans les mécanismes sociaux, politiques et économiques qui entrent en compte dans la révolution numérique de la société, et donc de la ville.
Hervé Rivano, responsable de l’équipe Inria/INSA Lyon Agora.
La ville intelligente
La ville intelligente, Hervé Rivano
Le covid dans la ville, Philippe Jacquet
Le succès incontestable de cette expression aussi bien dans les sphères marchandes, politiques qu’académiques, témoigne de la très grande hétérogénéité des expériences qui s’en réclament. Pourtant, derrière ce foisonnement, on peut retenir, à l’instar d’Emmanuel Eveno [1] au moins trois aspects fondamentaux que cherche à saisir cette expression : « le recours et l’exploitation des mégadonnées, la modernisation voire la transformation des services urbains et l’affichage d’une volonté politique de s’appuyer sur la participation des habitants ». Ce mouvement est indissociable de la révolution numérique en cours qui transforme la production, l’économie et, in fine, la société tout entière.
Depuis, le concept a grandement évolué, en partie en réaction à une vision initiale trop techno-centrée et faisant abstraction de la ville comme construction politique et sociale où habitent des êtres humains, avec leurs usages qui ne sont pas tous informatisables, leur citoyenneté qui ne peut pas toujours se numériser. D’ailleurs, les quelques projets ne s’appuyant que sur la technologie ont été des échecs retentissants [2]. Comme le disait Saskia Sassen [3] en 2011 « The key is to urbanize technologies rather than to use technologies that desurbanize the city ». En particulier le rapport des citoyens à la technologie prend le pas sur le seul apport de la technologie à l’optimisation d’infrastructures et de services. Des concepts complémentaires émergent comme la « ville apprenante » qui interroge la figure idéalisée d’un « citoyen intelligent et connecté » autour d’enjeux d’enseignement, d’adaptation mais aussi de redéfinition de la citoyenneté à l’ère numérique [4, 5].
[1] Eveno, E. La Ville intelligente : un objet au cœur de nombreuses controverses. Quaderni, 96, 29 – 41, 2018
[2] Smart cities that failed along the way, tomorrow.city, 11/2019
[3] Sassen, S. The Future of Smart Cities. Lift Conference « Be Radical », 7/2011
[4] Qui sont, les smart-citizens ? Webdoc de l’Ecole Urbaine de Lyon, 10/2020
[5] Rivano, H. Une ville intelligente et démocratique donne forcément une place centrale à la formation, Le Monde, 10/2020
Pour aller plus loin : Le capital dans la cité, éditions Amsterdam, 2020, en particulier les chapitres « Données » et « Smart City »
Hervé Rivano , responsable de l’équipe Inria/INSA Lyon Agora.
- Philippe Jacquet, Liubov Tupikina. The Ariadne String against COVID -19 pandemic propagation: outdoor path selection with limited virus exposure. 2020. ⟨hal-02972887⟩
- Philippe Jacquet. The Ariadne String against Covid-19 pandemic propagation part 2: oudoor path selection after lock-downs. 2020. ⟨hal-02611833⟩
Philippe Jacquet, équipe Inria Tribe.
La ville numérique ou numérisée
Mesurer la mobilité, Nathalie Mitton
Mesurer l’environnement urbain, Hervé Rivano avec Walid Bechkit
- Matthieu Adam, Nathalie Ortar, Luc Merchez, Georges-Henry Laffont et Hervé Rivano, « Susciter la parole des cyclistes : traces GPS et vidéos au service de l’entretien », EspacesTemps.net, Travaux
- Nathalie Mitton, Hervé Rivano. On the Use of City Bikes to Make the City Even Smarter. SSC – International SMARTCOMP Workshop on Sensors and Smart Cities, Nov 2014, Hong-Kong, China. ⟨hal-01074478⟩
- Lucas Magnana, Herve Rivano, Nicolas Chiabaut. Implicit GPS-based bicycle route choice model using clustering methods and a LSTM network. PLoS ONE, Public Library of Science. ⟨hal-03619678⟩
- Roudy Dagher, Nathalie Mitton, Ibrahim Amadou. Towards WSN-aided Navigation for Vehicles in Smart Cities: An Application Case Study.. 1st International IEEE Percom Workshop on Pervasive Systems for Smart Cities (PerCity 2014), Mar 2014, Budapest, Hungary. ⟨hal-00923611⟩
- Equipe Road AI
Nathalie Mitton, Responsable de l’équipe Inria FUN.
Aujourd’hui, cette connaissance locale est assurée grâce à des modèles physico-chimiques validés et qui sont souvent combinés à des mesures de stations fixes de référence (stations météorologiques et stations de qualité de l’air). Malgré l’avantage indéniable de ces stations fournissant des données précises de température et de qualité de l’air, elles sont onéreuses ce qui limite leur nombre à des dizaines par région, d’où l’espacement spatial des mesures récoltées.
Afin d’accroître la connaissance du climat local, une possibilité qu’offrent les technologies numériques est de déployer un grand nombre de capteurs peu ou moyennement onéreux, potentiellement mobiles, d’assurer ensuite une remontée efficace et en temps réel des données récoltées, puis d’analyser ces données afin de garantir un meilleur suivi de ces phénomènes au plus près des citoyens. La mobilisation et l’implication de citoyens dans la mesure peut permettre de les sensibiliser aux problématiques de la qualité de l’air et des îlots de chaleur en milieu urbain et aux changements climatiques et de les impliquer en tant que « sentinelles du climat ». Par ailleurs, la proximité des capteurs avec la population peut aussi susciter, voire nécessiter, des actions de médiation et d’accompagnement à la compréhension du rôle de ces technologies et de l’importance des phénomènes mesurés.
Pour aller plus loin :
- Le numérique pour comprendre la ville Projet 3M’Air
- Mohamed Anis Fekih, Ichrak Mokhtari, Walid Bechkit, Yasmine Belbaki, Hervé Rivano. On the Regression and Assimilation for Air Quality Mapping Using Dense Low-Cost WSN. AINA2020 – 34th International Conference on Advanced Information Networking and Applications, Apr 2020, Caserte, Italy. pp.566-578 ⟨hal-03084455⟩
- Ça va chauffer !
- Comment se protéger de la pollution urbaine
- Atmo Auvergne-Rhône-Alpes à l’Ecole Urbaine de Lyon
Hervé Rivano, avec Walid Bechkit, Maître de conférence INSA Lyon, membre de l’équipe Agora.
Le numérique pour comprendre la ville
Comprendre, anticiper et prévenir les inondations urbaines, Antoine Rousseau
Modélisation mathématique et simulation de trafic routier, Paola Goatin
La géométrie dans la ville, Philippe Jacquet
Malheureusement, ces modèles sont trop précis pour faire du calcul en temps réel, qui serait utile lors de la gestion de crise par exemple, ou pour effectuer une analyse de sensibilité pour laquelle on aurait besoin de nombreuses sorties de modèle. Chez LEMON, avec le logiciel SW2D, nous proposons donc par ailleurs une version dégradée du modèle complet, dite « à porosité » dans laquelle on ne considère plus la ville à l’échelle de chaque ruelle mais plutôt comme une éponge. Cette façon de voir les choses permet des calculs certes moins précis, mais beaucoup plus rapides, ce qui permet de répondre aux besoins évoqués ci-dessus. Quant au « couplage » entre des modèles à haute et à basse résolutions, c’est encore un champ de recherche très actif. Les scientifiques travaillent finalement à pouvoir regarder une inondation comme une gigantesque photographie, dans laquelle on aurait une vue d’ensemble mais aussi la possibilité de « zoomer » dans des zones d’intérêt. Tout cela de manière dynamique, puisque l’écoulement évolue bien entendu avec le temps…
- SW2D (logiciel)
- Changement climatique : vers une aggravation du risque inondation en France et en Europe, CEPRI.
- Un jour une brève — «Simulation de pluies extrêmes dans les Cévennes» — Images des Mathématiques, CNRS, 2013
Antoine Rousseau, responsable de l’équipe Inria/HSM/IMAG LEMON.
L’approche dite « macroscopique » considère le trafic comme un système continu dont l’évolution de quantités agrégées (comme la densité ou la vitesse moyenne) ressemble à celle d’un fluide et est régie par la loi de conservation de la masse, couplée avec des relations phénoménologiques entre le débit et la densité. Le modèle qui en résulte consiste ainsi en une ou deux EDPs (Equations aux Dérivées Partielles), avec un petit nombre de paramètres à calibrer. Le coût computationnel de la résolution du modèle ne dépend donc plus du nombre de véhicules concernés, mais seulement de la taille du réseau routier (ou de l’espace piéton) considéré. De plus, les propriétés mathématiques de ces équations permettent de poser et résoudre efficacement des problèmes de contrôle et optimisation pour la gestion du trafic.
Voir aussi : Modélisation mathématique du trafic routier, 2018
Pour expérimenter :
Paola Goatin, responsable de l’équipe Inria/UNS Acumes (repris du TIPE 2018).
Pour aller plus loin :
Philippe Jacquet, Dalia Popescu, Bernard Mans. Information Dissemination in Vehicular Networks in an Urban Hyperfractal Topology. 2017. ⟨hal-01662286⟩
Philippe Jacquet, équipe Inria Tribe.
La représentation de l’information urbaine
Ville et information géonumérique, Thierry Joliveau
Représenter l’intangible, Hervé Rivano avec Lou Herrmann
La ville est aussi un espace dans lequel les personnes vivent, travaillent, se déplacent. Les données numériques sont donc nécessairement spatialisées. Pour être utiles, elles doivent être équipées d’une localisation grâce à des coordonnées géographiques en latitude et longitude. Ces données sont saisies directement sur le terrain par des topographes, ou captées depuis le ciel par des satellites, des avions ou des drones. Traditionnellement, ces données géographiques étaient transcrites sur des cartes, qu’il fallait dessiner et redessiner au fur et à mesure que la ville changeait. Avec la numérisation, elles sont stockées dans des bases de données géographiques pour être combinées, analysées, transformées avant d’être mises en forme de cartes, imprimées sur papier ou publiées sur Internet ou mises à disposition dans des sites interactifs où l’utilisateur peut les sélectionner et les composer en fonction de ses besoins. Ce traitement informatique des données spatialisées a donné lieu il y a quarante ans à la création d’une discipline, les Sciences de l’Information Géographique appelée aussi Géomatique, qui développe les modèles, les méthodes et les outils pour collecter, analyser et interpréter des volumes de données spatialisées toujours croissants.
Dans toutes les villes du monde, des géomaticiens mobilisent leur expertise pour aider les villes à répondre à des enjeux sociaux et environnementaux de plus en plus complexes et alarmants.
Pour expérimenter :
- Un outil géomatique pour estimer la taille d’une foule sur une carte
- QGIS : Système d’information géographique libre et open source
Thierry Joliveau Professeur de géographie et géomatique à l’Université de Saint-Etienne.
Les choix graphiques réalisés pour visualiser l’indice de qualité de l’air diffusé dans Air To Go reposent sur un présupposé : « rendre visible l’invisible ». Atmo AURA a ainsi considéré que l’enjeu de l’application en terme de design était de dévoiler un phénomène physique dont la population ne ferait pas l’expérience tangible. Or les populations ont un rapport subjectif (sensible et cognitif) à l’air qu’ils respirent, même si les conclusions qu’elles en tirent ne convergent pas toujours avec les résultats de ses modèles. Cela complexifie considérablement la réception de ces informations par le public et notamment leur acceptabilité. Une enquête menée dans le cadre du projet UrPolSens a montré dans ce sens que la réception positive de l’application était fonction du rapport entretenu entre le contenu des informations diffusées et le contenu perceptif déjà-là. La réception de l’information devient notamment problématique lorsqu’il s’agit d’un rapport contradictoire — quand par exemple l’application affiche un indice de bonne qualité de l’air dans une rue alors que l’usager, présent dans cette même rue, ressent un air de mauvaise qualité (odeurs, brume, bruit, sensation d’étouffement, etc.). Au-delà des réflexions propres à la diffusion des données sensibles de la pollution, cette étude permet de commencer à percevoir la complexité des enjeux liés à la représentation des données de manière plus générale : comme représenter c’est déjà penser, la projection des données dans une forme suppose une série de décisions porteuses de sens, qu’il convient de prendre au sérieux.
Hervé Rivano, avec Lou Herrmann de l’Ecole Urbaine de Lyon.