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Du selfie à l’oeuvre d’art interactive : Introduction

« Bonjour chèr-e-s élèves. Attention : le cours d’informatique commence, veuillez s’il-vous-plaît, allumer votre téléphone portable. »
« Mais professeur-e. Il y en a qui vont en profiter pour… faire des selfies par exemple. »
« Excellente idée, allez-y. »
« Ah ! Et ensuite ? »

« Ensuite, nous allons voir comment ce simple geste peut devenir une vraie création artistique. »

Dans cette section, nous partageons une démarche de réflexion. On part du simple geste quotidien de faire un selfie. On ira jusqu’à se demander en quoi cela peut amener à la création d’une œuvre d’art. Ceci non sans ouvrir la réflexion sur les principaux aspects de ce qui se passe quand on fait ce geste millénaire de se regarder soi-même à travers un image.

Cette section est un recueil de petits documents réutilisables avec les élèves, par exemple en les invitant par binômes à faire un exposé éclair sur chaque sujet (voir ci-dessous). La section suivante se concentrera elle sur les savoir-faire.

L'homme de Rio. L’homme de Rio. Le photographe anglais Lee Thompson a réalisé ce selfie depuis le sommet du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro. « Lorsque l’occasion s’est présentée de prendre le premier (et jusqu’ici le seul) selfie au monde avec Jésus, je n’ai pas pu résister« , a-t-il expliqué avec humour. Dans cet exemple la création artistique est simplement liée à l’art de la photo et le fait de la prendre d’un endroit inédit (à noter: sans aucun risque puisque la position du photographe est sécurisée).

Cet exemple permet d’évoquer les selfies « à risque » pris dans une situation dangereuse, qui causent effectivement plusieurs morts par an (aucun en France à ce jour n’est répertorié). On analysera facilement les raisons : goût du risque, de la bravade (de la frime, quoi), parfois même de jouer avec la mort.

On notera effectivement que lorsqu’on prend un selfie, son attention visuelle est réduite et la vigilance est donc plus faible. Il faut donc valider qu’on est dans une situation sécurisée, quand on fait un selfie, c’est dit. Mais la quasi-totalité des accidents est liée à la mise en danger délibérée de la personne.

Mais on proposera aussi de réfléchir à un autre niveau : on alertera aussi sur l’engouement médiatique à propos de ces faits divers, finalement rarissimes, avec la multiplication d’analyses, parfois même pseudo-scientifiques sans citer aucune source, reprises plusieurs fois à travers Internet (ce qui ne rend pas les affirmations plus vraies !). Il existe même un hashtag #funeralselfies (pour les selfies faits lors de funérailles).  Il y a là un véritable voyeurisme journalistique, qui mérite un réel regard critique.

Mais qu’est ce qu’un selfie ?

« Oui mais en quoi un selfie peut-il devenir une création artistique ? ».

« En … faisant quelque chose d’original (singularité) qui interpelle (esthétisme). »

« Oui, mais quoi, Madame ou Monsieur, le ou la professeur-e ? »

« Eh, je ne sais pas, puisque c’est toi qui vas le créer ! »

Le selfie : partage d’un instant présent

Chaque jour sur Instagram, en 2016, plus de 300 millions d’images estampillées #selfie sont mises en ligne. 30 % des photos en ligne postées par les 18-24 ans sont des selfies, qu’il s’agisse d’auto-portraits au quotidien ou en vacances, ou de partage de petit morceaux d’existence. Le selfie prend de la valeur quand la personne est une star : un tweet avec une photo de star peut avoir un impact de plus de 500 millions de dollars. Et on s’amusera à noter le problème de droit d’auteur posé par les selfies de… primates !  (nous ne reproduisons pas la photo ici pour éviter d’être victime de poursuite par le grand singe en question).

Pour montrer que nous sommes allés visiter un site touristique ou immortaliser un instant de fête ou un moment exceptionnel, le selfie a avant tout une vocation utilitaire. Il prend la suite de la photo de famille ou de la carte postale de vacances.

Source : http://boulevardduweb.com/selfies-impacts

Robert Cornelius, auto-portrait, 1839

(Robert Cornelius, Autoportrait, 1839)

Le selfie est une pratique très ancienne qui est semblable à celle de l’autoportrait, plus précisément l’autoportrait photographique : on peut ainsi dater de 1839 le premier selfie photographique.

En revanche, il est intéressant de noter la rupture entre autoportrait et selfie. L’autoportrait est une représentation d’un artiste, dessinée, peinte, photographiée ou sculptée par l’artiste lui-même. Prendre simplement un selfie ne constitue pas un geste de création.

On notera aussi que bien que l’exercice de l’autoportrait ait été pratiqué depuis les temps les plus reculés, ce n’est qu’à partir du début de la Renaissance, avec l’arrivée de thèmes liés à l’humanisme et l’épanouissement de l’individu en tant que tel, que les artistes peuvent être identifiés eux-mêmes comme représentants, comme le sujet principal ou comme des personnages importants dans leur travail.

Il s’appelait Narcisse, il voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Il en dépérit (l’imbécile :)).

Le selfie et l’identité numérique.

Quelle est la première chose qu’on voit de moi ? C’est mon image de profil. Sérieuse ou loufoque ? La plus jolie que nous ayons ou plutôt complètement décalée ? Seul-e ou accompagné-e ? Un pur portrait ou une image prise en situation ? Quelle image donner de moi ? Comment analyser ce langage visuel qui ne passe pas par les mots ?
Dois-je avoir une image de moi cohérente et unique ou une image multiple suivant les rôles (le copain, le membre de la famille, le consommateur, le lanceur d’alerte, le citoyen, …) que j’ai dans la société ? Dans quelle mesure ai-je plusieurs identités ?
Comment tenir compte du fait que tout le monde voit ou peut potentiellement tout voir de mon identité numérique ?

Mon identité.

« Vos Papiers ! » Qui suis-je ? Où suis-je ? À quel(s) groupe(s) est-ce que j’appartiens ? Pour l’état civil, c’est clair, on répond à ces trois questions en quelques mots : Nom – Prénom – Naissance – Profession – Adresse ! Ils permettent de nous identifier, de nous localiser, de nous classer dans telle ou telle catégorie de la  population. Depuis la Chine ancienne, une administration collecte et enregistre ces éléments, notre liberté de choisir qui nous voulons être ou devenir est encadrée. Sans cette identification, impossible, par exemple, de partager équitablement les ressources collectives ou d’appliquer la justice. Être civilisé implique un lien entre l’individu et la société, l’identité caractérise l’individu dans cette relation.

Cette identité civile, nous ne la choisissons pas entièrement, on nous l’assigne, elle nous est en partie imposée (on ne choisit pas ses parents ou sa date de naissance).
Au delà, tout au long de ma vie, ce que je fais et ferai de ma naissance à ma mort, et la conscience que j’en ai, va compléter mon identité. De quoi est-ce fait ?
De mes racines. Mes origines, d’où je viens, mes parents, mon nom. D’anciens patronymes – qui existent encore aujourd’hui – montrent bien que sans origine connue, on n’était personne (c’est le cas du nom Bâtard), ou seulement un lieu ou un métier (comme pour les noms Berry ou Boulanger par exemple).
De mon parcours. L’identité qui m’a été donnée, que vais-je en faire ? Mon « curriculum vitae », par exemple, présente ce que j’ai accompli professionnellement ; ce volet de mon identité je la construis : elle est liée à ce que j’accomplis dans ma vie.
De mon rapport avec les autres. Ma réputation comme on dit. Mes relations à mon lieu de vie et aux autres, l’histoire que je partage avec eux, ma participation à un et des projets collectifs.

Lorsque je publie une photo de profil, c’est un condensé de mon identité que je produis.

Source: L’Isoloir / identité numérique.

Le passage au numérique.

Face à la construction et au développement de l’identité en ligne, Julien Pierre – auteur du blog Les identités numériques – explique que les individus déploient des stratégies propres au numérique.

La présentation de soi. Nous pouvons agir sur la façon dont nous nous présentons sur le Web. C’est un « travail de gestion d’image » ou facework. Une mise en scène qui valorise cette part de notre intimité que nous décidons de montrer et qui évolue sans cesse en ligne, au fil des messages, ou simplement des retweets ou des likes, ces signes qui peu à peu construisent notre identité.

L’apparence de soi. Nous adaptons nos prises de parole à nos besoins et publions sur les sites en fonction des signaux que nous souhaitons envoyer. Quelles traces décidons-nous de mettre en avant ou au contraire de cacher, voire de [tenter de] faire disparaître sur Internet ? Cela conduit à des identités plurielles.

La résilience numérique. En psychologie, la résilience, c’est la faculté de rebondir face à des situations difficiles, de construire le meilleur à partir de ce qui a été vécu, même le plus traumatisant. Sur Internet, on peut aussi décider de « faire avec » certains épisodes de son passé, sans se résigner, et même de faire mieux.
Ainsi cette star qui n’a pu effacer complètement des photos intimes publiées sur le Web par son minable  ex-copain, et qui s’en est servi pour prendre la parole au nom de toutes les filles bafouées ainsi, expliquant que la honte n’est pas sur elle(s), mais sur lui.

Source:  Les identités numériques.

MOOC sur l’Informatique et la Création Numérique