Eclairage pédagogique – Comment enseigner l’informatique
1, 2, 3, codez ! - Eclairage pédagogique - Comment enseigner l'informatique ?
Quels contenus enseigner ?
L’enseignement de l’informatique est souvent compris comme celui de la programmation. Comme nous allons le voir, la programmation est essentielle, mais loin d’être suffisante dans un tel enseignement :
- il est indispensable de transmettre aux élèves les rudiments de la programmation assez tôt. Tout d'abord, parce qu'il est presque impossible de comprendre ce qu'est un programme sans en écrire quelques-uns soi-même. Ensuite, parce que donner aux élèves une maîtrise minimale de la programmation est essentiel pour leur permettre d'avoir une démarche d'apprentissage active. Un élève qui ne sait pas programmer et qui cherche à comprendre, par exemple, le code de César, se retrouve rapidement dans une situation de passivité : il peut, peut-être, comprendre les principes de cette méthode de chiffrement, il peut comprendre que d'autres personnes l'utilisent pour chiffrer et déchiffrer des messages, mais il ne peut pas le faire lui-même. En revanche, dès qu'il comprend les rudiments d'un langage de programmation, il peut écrire lui-même un programme de quelques lignes, qui permet de chiffrer et déchiffrer des messages, et s'approprier cette méthode par une démarche active.
- Toutefois, connaître l'informatique ne
se limite pas à savoir programmer, de même que connaître l'électricité
ne se limite pas à savoir réaliser un circuit électrique. Il est donc
essentiel dans la conception d'un enseignement de l'informatique
d'équilibrer différents objectifs :
- que les élèves comprennent des algorithmes et les principes qui permettent de concevoir des algorithmes, par exemple le principe de dichotomie (au collège),
- que les élèves comprennent ce qu'est un langage de programmation, en quoi il se distingue d'une langue naturelle, en quoi il se rapproche de la notation musicale, du langage qui permet d'exprimer les nombres avec des chiffres arabes ou romains, etc.
- que les élèves comprennent que les objets informatique traitent des données représentés de manière symbolique (textes, images, sons, ...) et comment ces données peuvent être compressée, chiffrées, corrigées, etc.
- que les élèves comprennent que les machines à traiter de l'information sont diverses : ordinateurs, téléphones, robots, réseaux, ... mais que cette diversité cache une profonde unité : toutes ces machines traitent de l'information en exécutant des algorithmes, exprimés sous forme de programmes, dans un langage de programmation.
Le projet « 1, 2, 3… codez ! »
permet aux élèves de s’initier aux 4 concepts de base de l’informatique
cités ci-dessus (machine, algorithme, langage, information). Ces
concepts peuvent eux-mêmes être déclinés en notions plus élémentaires,
dont l’articulation est visible dans les scénarios conceptuels du
projet.
Ci-dessous, un exemple de scénario conceptuel : celui réalisé pour le
cycle 3 (CM1, CM2, 6ème, les séances associées sont décrites ici). On peut également consulter les scénarios du cycle 1 ou du cycle 2.
Scénario conceptuel proposé pour le cycle 3
Les nouveaux programmes de l’école et du collège, applicables à la rentrée 2016, sont moins précis en termes de concepts mais distinguent clairement d’une part les activités de programmation et d’autres part celles relevant de l’algorithmique ou de la représentation de l’information.
L’intérêt des activités débranchées
Ce guide pédagogique propose de
nombreuses activités dites « débranchées », au sens où elles ne
nécessitent pas de machine informatique (ordinateur, robot…).Cette
approche nous semble intéressante à plusieurs titres.
Tout d'abord, les activités proposées dans cet ouvrage montrent que de
nombreuses notions importantes en informatique sont parfaitement
abordables sans ordinateur. C'est intéressant d'un point de vue
pratique, car cela ne demande aucun matériel coûteux et reste donc
accessible à toutes les écoles. Les séances sur machine demandent par
ailleurs un temps de préparation supérieur à l’enseignant, afin qu’il
puisse faire face aux problèmes inattendus rencontrés en séance (voir ici nos conseils pratiques).
Quelques exemples d’activités débranchées en cycles 1, 2 ou 3 portant sur les notions de langage et d’algorithme, de codage de l’information (texte ou image) ou encore de chiffrement.
Démarrer un projet informatique par des
activités débranchées offre plusieurs avantages pédagogiques. Lors d'une
activité branchée, la machine demande une rigueur et un souci du détail
qui troublent la réflexion sur les grands principes. En pratique,
certains élèves ont également des difficultés à écouter les consignes ou
à interagir entre eux quand ils travaillent sur ordinateur, tant
l’écran focalise leur attention (voir à ce sujet "Les écrans, le cerveau et l'enfant").
Une activité d'informatique débranchée est davantage similaire à une
activité « classique » en classe, ce qui la rend moins surprenante pour
les élèves et les enseignants, simplifie le travail en groupe ou
en classe entière tout en évitant les petits problèmes techniques sans
rapport avec les notions étudiées.
Ces activités débranchées doivent cependant être complétées par des
activités branchées dans la mesure du possible car maîtriser
l'ordinateur reste la raison d'être de l'informatique. Certains
pourraient se sentir frustrés par des activités en classe présentées
comme étant de l'informatique mais n'utilisant jamais d'ordinateur.
L’intérêt pédagogique de la robotique
La robotique offre
la possibilité de lier le monde numérique et le monde physique. C’est
un champ privilégié d’application de l’algorithmique et de la
programmation souvent plus motivant et plus rassurant qu’un simple écran
d’ordinateur. C’est également l’occasion d’initier à une technologie
majeure d’aujourd’hui, qui illustre l’intégration de l’informatique dans
les objets physiques.
Plusieurs études
montrent l’impact très positif de la robotique sur l’apprentissage de
concepts informatiques, entre autres . L'impact en est encore renforcé
si on y associe une pédagogie active où les élèves expérimentent par
eux-mêmes, s’appuyant sur une méthode d’investigation scientifique et
une approche coopérative (voir plus loin).
L’apprentissage de la démarche scientifique, de l’argumentation, du débat, sont soutenus par l’aspect tangible qu’apporte la robotique. La manipulation d’un objet physique est un élément motivant et un atout supplémentaire dans la compréhension. L’aspect coopératif induit par les activités robotiques, offre également un nouvel espace d’expression aux élèves. La possibilité de tester des programmes sur des objets physiques, de valider ou d’invalider des hypothèses en leur donnant une expression tangible, contribue à débarrasser la notion d’erreur du sentiment de sanction intellectuelle, à redonner à l’erreur un statut positif, une étape dans le processus d’apprentissage.
Enseigner l’informatique par une pédagogie active : démarche d’investigation et démarche de projet
Le projet pédagogique « 1, 2, 3... codez ! »,
pluridisciplinaire, met en avant l’activité des élèves par le
questionnement, l’expérimentation, l’observation, le tâtonnement,
la programmation ou le débat.
Cette « pédagogie active » peut prendre des formes sensiblement différentes, notamment la démarche d’investigation ou la démarche de projet.
L’informatique, contrairement aux sciences de la nature (physique,
biologie...) n'étudie pas un monde qui préexiste, mais un monde créé par
l'homme. Si la démarche d'investigation s'applique aussi bien à l'étude
des objets naturels que des objets artificiels, l'apprentissage d'une «
science des objets artificiels », telle que l’informatique, demande
aussi d'apprendre à en construire par soi-même. C’est pour cette raison
que la démarche d’investigation doit être complétée par une démarche de
projet.
Certaines séances du projet « 1, 2, 3… codez ! » visent plutôt l’appropriation de concepts et s’inscrivent clairement dans une démarche d’investigation, telle qu’on peut la concevoir dans l’enseignement des sciences « classiques ». D’autres séances ciblent davantage le développement de compétences (ce qui ne les empêche pas de permettre la compréhension de concepts !) : c’est particulièrement le cas des séances de programmation sous Scratch. Ces séances s’inscrivent davantage dans une démarche de projet. Les séances de robotique sont intermédiaires : le robot peut donner lieu à la réalisation d’un projet, mais aussi constituer un champ d’investigation en lui-même.
Extrait de "1, 2, 3... codez !", Editions Le Pommier, 2016-2017. Publié sous licence CC by-nc-nd 3.0.