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Eclairage scientifique – Informatique et enjeux sociétaux


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Enjeux actuels, scientifiques, économiques et sociétaux

La construction d’ordinateurs depuis les années 1940 a d’abord transformé le monde de la recherche : en permettant de simuler des phénomènes physiques complexes -  tels les évolutions du climat – et en permettant de traiter de grandes masses de données, comme le génome humain, les ordinateurs ont transformé la méthode scientifique. Les ordinateurs et les réseaux ont parallèlement transformé la circulation des informations dans les entreprises. Enfin, l’arrivée des ordinateurs et des réseaux dans tous les foyers a transformé la manière dont nous communiquons dans notre vie privée, avec nos « amis » et nos familles.

On qualifie parfois de « monde numérique » le monde dans lequel nous vivons, qui se caractérise par l’omniprésence des objets informatiques. Ces objets sont partout, de manière visible : ordinateurs, tablettes, téléphones… et invisible. Dans l’informatique « embarquée » (dans les avions, les trains, les voitures, les régulateurs cardiaques, les appareils électroménagers…) des objets informatiques remplacent en effet de plus en plus de systèmes mécaniques ou électriques.

L’accès aux données, grâce à Internet, se fait désormais de façon extrêmement simple et rapide. Une donnée, dès lors qu’elle est numérisée, occupe une place négligeable, pour un coût minime, et peut être dupliquée instantanément. De ce fait, les systèmes informatiques sont dits hypermnésiques : ils sont capables de collecter des quantités énormes d'information et de les conserver sur de longues durées. Un exercice simple permet de prendre la mesure de cette hypermnésie : la Bibliothèque Nationale de France contient 14 millions de volumes. Supposons que chaque volume comporte cinq cents pages et chaque page deux mille signes (oublions, pour cet exercice de pensée, les images) et qu'un signe s'exprime sur un octet. La « taille » de cette bibliothèque est donc de

14 000 000 × 500 × 2000 = 14 000 000 000 000 octets

soit quatorze mille milliards d'octets, 14 téraoctets. Or un disque de 10 téraoctets coûte quelques centaines d'euros. On voit donc que, grâce aux techniques numériques, la capacité de stockage d'une petite entreprise peut rapidement dépasser la taille de la Bibliothèque Nationale de France.

D’un point de vue économique, ce monde favorise bien évidemment l’industrie informatique, qui produit tous ces matériels et logiciels à haute valeur ajoutée, ainsi que la recherche en science informatique, dont les avancées théoriques vont de pair avec les avancées technologiques. Le monde numérique est destructeur d’emploi : acheminer le courrier d’un bout à l’autre de la Terre demandait des armées de facteurs, qui ne sont plus nécessaires aujourd’hui que le courrier est électronique. Mais il est aussi source d’emploi, car il faut sans cesse développer de nouvelles applications et de nouveaux logiciels pour suivre l’évolution rapide des besoins. Enfin, troisième pilier de l’importance économique de l’informatique, auquel on ne pense pas forcément de prime abord : la formation professionnelle. Tous ceux qui manipulent, de près ou de loin, les ordinateurs et les logiciels (scientifiques, techniciens, commerciaux, juristes, enseignants, architectes, artistes…) ont besoin de formation, initiale ou continue. La formation professionnelle et le conseil en informatique représente une part de plus en plus importante l’activité liée au numérique.

Malgré ces opportunités, force est de constater que la France et l’Europe accusent un retard vis à vis de l’Amérique du Nord et de l’Asie. A l’exception de quelques niches (services informatiques, recherche, robotique…), nos pays ont trop longuement relégué l’informatique au rang d’outil, enseignant comment utiliser tel logiciel (logiciel qui devient souvent obsolète en quelques années) plutôt que d’enseigner la pensée informatique, étape indispensable pour favoriser l’émergence d’innovation. On assiste depuis quelques années à une prise de conscience de ce retard et un souhait de le combler, notamment par l’éducation.

Informatique et éthique

Le monde numérique offre une liberté sans pareille : s’exprimer, accéder à l’information, se former, communiquer, échanger… Mais là où il y a tant de libertés, les risques et les dangers sont grands. Il convient donc d’accompagner les jeunes en leur montrant les limites de ce nouveau monde.

Accéder à l’information de manière immédiate et gratuite aurait semblé une utopie aux bâtisseurs de la Bibliothèque d’Alexandrie. Pourtant, comme nous l’avons vu plus haut, un disque dur de faible coût peut contenir presque autant de données que la BNF. Mais si les informations sont accessibles en quantité, sont-elles pour autant de qualité ? Quelle fiabilité donner aux informations que l'on trouve sur le Web ? Comment garder un certain esprit critique, vérifier les sources (elles aussi accessibles par Internet), croiser les témoignages… ? En classe, on peut par exemple faire réaliser une page web par les élèves, afin qu'ils prennent conscience du fait qu'ils peuvent eux-mêmes écrire n'importe quoi sur le Web, et donc que, s’ils le peuvent, vraisemblablement d'autres le peuvent aussi. Les informations que l'on trouve sur le Web y ont été déposées par des gens comme eux.

Parmi les informations numérisées qui sont stockées ici et là, nous trouvons également nos données personnelles. Nos données de sécurité sociale sont stockées sur un serveur en France, mais nous n’y pouvons rien. Nos données bancaires sont stockées, probablement sur un serveur étranger, et nous n’y pouvons rien non plus. En revanche, nos photos de vacances sont postées sur Facebook, car nous les y avons mises nous-mêmes. Dans ces trois cas, la prudence s’impose : quel est le degré de sécurisation de nos données ? Qui peut avoir accès à cette collection astronomique d’informations personnelles ?
Souvenons-nous que les ordinateurs sont hypermnésiques et que toute activité peut être enregistrée et traitées très rapidement. En 2008, l’entreprise Google a lancé le projet « Google Flu » : en accumulant, région par région, toutes les recherches des mots-clefs « grippe », « fièvre »... il est possible de décrire en temps réel la progression de l’épidémie, et même de la prévoir un peu à l’avance. De telles informations sont évidemment précieuses pour les autorités de santé, mais aussi pour les entreprises pharmaceutiques. De telles informations doivent-elles être rendues publiques, ou peuvent-elles être gardées privées et vendues aux compagnies les plus offrantes ? Ce qui est vrai pour la grippe l’est pour de nombreux autres sujets et comme Google enregistre non seulement les requêtes mais aussi l’adresse IP de l’ordinateur émetteur : il n’est plus trop difficile de transformer cette donnée d’apparence anonyme en véritable espionnage. Et que dire de toutes ces applications qui usent et abusent de la géolocalisation, permettant de nous localiser au mètre près ?

Tous ces outils, que nous utilisons pour nous simplifier la vie, recèlent des dangers insoupçonnés. Chaque pays doit donc légiférer en connaissance de cause. S’assurer que nos libertés ne sont pas compromises, mais garantir la sécurité de nos données voire un droit à l’oubli. Cela passe par la reconnaissance légale des délits numériques, la recherche en cryptologie et virologie informatique, la formation à la sécurité… Ce qui est déjà difficile à l’échelle nationale, faute de « bon sens informatique » ou de connaissances approfondie des risques, devient encore plus difficile sur la scène internationale. Les réseaux sont en effet supranationaux, les lois diffèrent d'un pays à l'autre et la vente de certains produits tels les drogues sont autorisés dans certains pays et non dans d'autres. De même la publication de certains textes – diffamatoires, blasphématoires, … – est autorisée dans certains pays et non dans d'autres. Quelles lois régissent la publication d’un texte : celles du pays où est situé l'ordinateur qui héberge le texte, ou celle du pays où est situé l'ordinateur qui permet d'accéder à ce texte ?

L’éducation des jeunes, mais aussi des adultes (citoyens comme législateurs) est nécessaire pour favoriser une utilisation éclairée et respectueuse de ces nouveaux outils.