Une minute avec… Pierrick Legrand
Pierrick Legrand est enseignant-chercheur au sein de l’équipe-projet ASTRAL du Centre Inria de l’université de Bordeaux. Il nous présente son parcours et les différentes facettes de son métier.
Bonjour Pierrick. Te souviens-tu de ce que tu voulais faire quand tu étais petit ?
Dans mon enfance, je me souviens d’avoir eu envie de devenir pilote de chasse pendant une période. J’ai eu très tôt une appétence pour les mathématiques, que je percevais comme un jeu. En parallèle, et probablement parce que j’étais fils unique, j’éprouvais aussi un grand intérêt pour les animaux, qu’il s’agisse des chiens, des tortues, des grenouilles, des tritons, des salamandres ou encore des lézards. J’hésitais donc principalement entre ces sujets.
Toutefois, lorsque le moment est venu de choisir une orientation pour le baccalauréat, j’ai opté pour la filière scientifique C (mathématiques) plutôt que pour la filière D (sciences naturelles, biologie), car j’ai estimé que cette option était celle qui offrait le plus large choix de possibilités pour la suite de mes études.
Quel a été ton parcours ?
Après le lycée, j’ai intégré une classe préparatoire avant de poursuivre à l’université, où j’ai obtenu une maîtrise de mathématiques pures. J’ai ensuite rejoint l’École Centrale de Nantes pour suivre simultanément la troisième année du cursus d’ingénieur et réaliser un DEA (Diplôme d’Études Approfondies, équivalent actuel du Master 2). J’ai eu beaucoup de chances, en effet, je ne savais pas vraiment où m’orienter après ma maîtrise, j’hésitais entre poursuivre mes études ou me consacrer à la musique, un hobbie que je pratiquais depuis le bac et qui m’amenait à faire plusieurs concerts par mois. Une nuit, alors que je m’étais relevé pour aller me plaindre auprès de mon voisin du bruit qui s’échappait de son appartement, j’ai cordialement été invité à me joindre à la soirée. J’y ai rencontré un doctorant de l’IRCCyN, qui m’a parlé d’un sujet de stage de DEA qui venait d’être déposé dans le domaine des mathématiques appliquées à l’audio. Je suis allé rencontrer le responsable du stage dans les jours qui ont suivis mais mon CV ne semblait pas l’impressionner. Il m’a alors demandé si je savais équaliser un son. J’ai répondu par l’affirmative et j’ai été accepté pour ce stage. Néanmoins il restait une étape, il fallait aussi que mon inscription en DEA soit acceptée.
Cependant, le directeur du DEA a tout d’abord rejeté ma candidature, estimant que mon parcours exclusivement axé sur les mathématiques ne me permettrait pas de réussir sans avoir suivi les enseignements en automatique des deux premières années d’école d’ingénieur. Grâce au soutien de mon tuteur de stage, j’ai néanmoins été admis et j’ai pu mener cette formation à bien avec succès.
J’ai ensuite débuté ma carrière comme ingénieur de recherche au laboratoire IRCCyN, un UMR CNRS situé sur le campus de l’École Centrale de Nantes. Par la suite, j’ai effectué une thèse cofinancée par la Région Pays de la Loire et le laboratoire des Ponts et Chaussées, dont le titre était : « Débruitage et interpolation par analyse de la régularité höldérienne. Application à la modélisation du frottement pneumatique-chaussée.
Après ma thèse, j’ai réalisé un premier postdoctorat de sept mois au Mexique, au CICESE Research Center d’Ensenada. Cette expérience avait un double objectif : approfondir mes compétences sur les algorithmes évolutionnaires et former mes collègues mexicains à l’analyse fractale. À mon retour en France, j’ai poursuivi avec un second postdoctorat, mené conjointement à l’Inria, à l’Université du Littoral Côte d’Opale et à l’Université de Bourgogne. Cette fois, les recherches visaient à donner/redonner l’audition à des personnes sourdes grâce à des techniques d’évolution artificielle et de traitement du signal.
En 2006, j’ai été recruté comme maître de conférences à Bordeaux, au sein de l’UFR Sciences et Modélisation de l’Université de Bordeaux et à l’IMB (Institut de Mathématiques de Bordeaux, UMR CNRS 5251). En parallèle, j’ai intégré, en 2009, l’équipe-projet ALEA (Advanced Learning Evolutionary Algorithms) de l’Inria, fondée par Pierre Del Moral. Lors de son détachement, j’ai pris la responsabilité de l’équipe par interim jusqu’à sa fermeture en 2014. J’ai ensuite rejoint l’équipe-projet CQFD, dirigée par François Dufour, qui a par la suite évolué pour devenir l’équipe ASTRAL.
En 2024, j’ai passé un concours qui m’a permis de devenir professeur des Universités à Bordeaux INP et de rejoindre l’IMS (UMR CNRS 5218).
Qu’est ce qui te plaît dans le monde de la recherche ?
C’est un milieu que je trouve très intéressant et enrichissant, pas un jour ne passe sans que je n’apprenne quelque chose de nouveau. J’aime aussi la liberté sur les thématiques de recherche. Si on te propose quelque chose que tu n’as pas envie de faire, ou qui ne correspond pas à tes valeurs, tu n’es pas obligé de le faire et je trouve cela très confortable.
Concrètement, qu’est-ce que tu fais chez Inria ?
Une moitié de mon temps est dédiée à la pédagogie, j’enseigne désormais à l’École Nationale Supérieure de Cognitique (l’ENSC), en Licence Mathématiques et informatique appliquées aux sciences humaines et sociales (MIASHS) ainsi qu’en master de sciences cognitives.
L’autre moitié de mon temps est consacrée à la recherche : lecture et rédaction d’articles, encadrement des doctorants et des stagiaires, résolution de problème… Mes recherches portent principalement sur le traitement du signal, l’optimisation stochastique, l’IA et l’évolution artificielle. Je m’intéresse beaucoup aux applications, que ce soit dans le domaine de l’audio, du biomédical, ou autres.
Je m’occupe aussi du rapport d’activité de l’équipe ASTRAL.
Si tu pouvais remonter le temps, que dirais-tu au Pierrick de 15 ans ?
Si je pouvais revenir dans le passé pour parler à mon moi de 15 ans, je crois que je serais très prudent. J’aurais peur que le moindre conseil change quelque chose sur le chemin qui m’a mené à ma vie actuelle, et comme je suis heureux aujourd’hui, je n’aimerais pas risquer de tout bouleverser. Je crois donc que je lui dirais surtout : “Continue ton chemin, tu verras, ça en vaut la peine.”
S’il fallait malgré tout formuler un conseil plus général, ce serait d’entretenir toujours sa curiosité. Ne jamais hésiter à explorer, à poser des questions, à s’intéresser à des domaines nouveaux, même s’ils semblent éloignés de ce qu’on croit aimer ou savoir. C’est cette curiosité qui ouvre les portes, qui nourrit la créativité et qui, souvent, permet les plus belles découvertes personnelles comme professionnelles.
Et puis, pour garder un peu d’humour, je glisserais sûrement quelque chose comme : “N’oublie pas d’investir dans Google en 2004, dans Tesla en 2010 et dans Zoom en 2019, ça pourra toujours servir.”
Mais, au fond, je crois que je n’aurais pas envie de changer quoi que ce soit. Parce que toutes les expériences, même celles qui paraissaient compliquées sur le moment, m’ont conduit là où je suis, et c’est précisément ce chemin qui a construit mon bonheur actuel.
Propos recueillis par Audrey Weil, apprentie chargée de communication et médiation scientifique au Centre Inria de l’université de Bordeaux.
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- Une minute avec Lucas Joseph, Ingénieur de recherche
- Une minute avec Amélie Aussel, Chercheuse au sein de l’équipe-projet Mnemosyne
- Une minute avec Patrick Parmantier, Secrétaire général
- Une minute avec Suzane Fleury, Chargée de communication et médiation scientifique
- Une minute avec Guillaume Sylvand, Ingénieur de recherche au sein de l’équipe-projet Concace
- Une minute avec Christèle Etchegaray, Chargée de recherche au sein de l’équipe-projet Monc
- Une minute avec Andony Arrieula, Post-doctorant au sein de l’équipe-projet Carmen
- Une minute avec Mathilde Saleur, Chargée d’accompagnement de partenariats startups
- Une minute avec Myriam Revers, Chargée de budget
- Une minute avec Vincent Padois, Directeur de recherche au sein de l’équipe-projet Auctus
- Une minute avec Sabrina Duthil, Assistante d’équipes de recherche
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- Une minute avec Clément Foyer, Post-doctorant au sein de l’équipe-projet Tadaam
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